Vodùn au Bénin : Religion, pratiques diaboliques ou culture ancestrale ?

Un prêtre vodun au palais de Daagbo Hounon Hounan II, Ouidah, 10 janvier 2021

 Le 10 janvier de chaque année est célébrée au Bénin, la fête nationale du Vodùn ou des religions endogènes. Une spiritualité purement africaine qui regroupe aujourd’hui, des milliers d’adeptes à travers le monde. Beaucoup de préjugés et de suspicions subsistent à son sujet. Ils sont d’abord l’œuvre de missionnaires chrétiens et des colonisateurs, frappés par les armes défensives que les aïeux y ont puisées. Mais, c’est quoi le Vodùn ? 

Ce dimanche, le vodùn était à l’honneur au Bénin. C’est d’ailleurs la seule date dédiée aux religions endogènes alors que  celles importées en ont une kyrielle. 

Assimilé à des pratiques occultes et donc diabolisé, le vodùn est en réalité plus qu’une religion. Il  puise ses forces des principes divins et naturels, et est entièrement fondé sur le bien-être intégral de l’Homme.

 Il protège la biodiversité, a généré une médecine, des modes de vie, et des valeurs morales saluées par le président Béninois Patrice Talon dans son message de  »bonne fête » sur Facebook. 

En somme  le Vodun est le « fruit de la relation de nos ancêtres avec le temps, l’univers et le surnaturel ! », résume  le ministre béninois du tourisme, de la culture et des arts Jean-Michel Abimbola. 

Origine, sens

Dans le Vodùn, quatre déités originelles sont vénérées : Hêviosso (Dieu du tonnerre ou de la foudre); Sakpata (Dieu de la Terre); Dan (Dieu des eaux) et (O)Gou (Dieu du fer, de la guerre).

Selon un prêtre et intellectuel vodùn  l’origine du vodùn remonterait à des temps immémoriaux. Il prétend en plus, que «le Vodoun est la connaissance la plus élevée, la plus absolue et la plus divine de la philosophie naturelle, éclairée dans ses réalisations par une juste compréhension des qualités intrinsèques et ésotérique des choses faisant que la bonne solution appliquée au bon patient permet d’atteindre des résultats inattendus et admirables », soutient Prince Zédéka-Zédéka Kanhohonou. 

Il poursuit en disant que « le vodùn est une science et un art regroupant un système de concepts et de méthodes permettant d’exercer une influence sur les émotions éprouvées par les hommes et de modifier l’équilibre électrochimique du métabolisme ». 

Un système qui selon l’enseignant, est fondé   « sur des correspondances visant à concentrer et focaliser l’énergie émotionnelle pour modifier la circulation du sang dans le corps humain et par ricochet influencer d’autres tendances énergétiques, appartenant ou non au monde vivant, voire parfois modifier ses propres tendances énergétiques ».

Tout sauf diabolique

Les adeptes vodùn se défendent d’en faire usage pour générer des profits malsains pour des individus au travers de sacrifices humains ou pour nuire comme cela est répandue dans les croyances populaires. 

Selon le dignitaire Dah Milonon Glèlè II, président d’une association de Bokonon (animateurs de Fâ), «  Vodùn est tout sauf diabolique. C’est l’homme qui peut lui attribuer les œuvres de sa méchanceté tout comme dans les religions importées ».  

L’institutionnalisation du « 10 janvier »

L’institution de ce qui est communément connu sous l’expression « fête des religions endogènes » ou « 10 janvier » date des années 1990. Le président Nicéphore Soglo était au pouvoir. Normal donc que l’opinion publique lui en attribue (à tort) la paternité. Ce que corrige Daagbo Hounon Hounan II, grand dignitaire Vodùn à Ouidah,  » Roi des mers et océans « . 

Selon lui,  cette date  répare une longue injustice faite aux religions du terroir. « Il faut dire que pendant des siècles, les missionnaires n’ont pas pu dire la vérité aux gens et il a fallu le premier Symposium national sur le culte Vodun tenu du 28 mai au 4 juin 1991 pour dire « plus jamais l’appellation ‘’fétiche’’ ».

 A partir de là, l’une des résolutions portait sur l’institution de la journée du Vodun le 10 janvier de chaque année. Beaucoup se plaisent à dire que c’est le Président Soglo qui l’a créée, ce n’est pas vrai. Ce sont plutôt les dignitaires Vodunon eux-mêmes qui ont pris cette décision, laquelle a été accompagnée par le gouvernement. 

Évidemment, Soglo était au pouvoir en ce moment-là, mais, ce sont les dignitaires Vodunnon rassemblés du 28 mai au 4 juin 1991 à la Maison de la culture de Ouidah qui avaient pris cette résolution et la demande a été envoyée au gouvernement et a fait un ping pong entre l’éxécutif et l’Assemblée nationale pendant près de cinq ans avant d’être adoptée, explique-t-il.

Célébration en période de crise sanitaire  

D’habitude, chaque 10 janvier voit les Vodùn et Vodùnsi s’exhiber hors des couvents. Parades, animations culturelles, procession, libations et prières. Toute chose qui draine du monde de curieux et de touristes.

Mais l’édition 2021 a eu un visage particulier. La crise sanitaire du coronavirus oblige. Après une série de réflexions, le ministère du tourisme, de la culture et des arts a retenu une célébration en toute  »sobriété ». 

Des chants rituels et des tam-tams sacrés ont donc été confinés dans les couvents des Vodùn Sakpata, Hêviosso, Tohossou, Dan, Kocou, Ninsouhoué… « Autant nous devons célébrer notre patrimoine culturel, autant nous devons protéger le patrimoine humain que nous constituons », a défendu le ministre de la Culture, et d’exhorter les dignitaires et Vodunsi (adeptes Vodùn) à « prier pour débarrasser l’humanité de ce fléau qui nous nargue et nous fragilise à l’échelle planétaire ».

Comme d’habitude, la journée du 10 janvier est fériée, chômée et payée au Bénin. Mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est que le vodùn qui est à la base une tradition ancestrale africaine, qui a réussi malgré tout, à s’exporter à travers le monde notamment au Brésil, en Louisiane et en Haïti, où on compte ses adeptes par milliers. Et ceci, par le biais de l’esclavage. 

Sêmèvo Bonaventure AGBON

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