Société : “ Mon handicap me ferme des portes surtout du côté de l’employabilité ” dixit Aboubacar Touré

Aboubacar Touré

Le monde célèbre ce 03 décembre la journée internationale des personnes handicapées. Marginalisées et parfois même méprisées, environ 1 milliard de personnes à travers le monde vivent avec un handicap selon l’ONU. Pour comprendre ce que ces personnes vivent au quotidien, nous sommes allés à la rencontre d’un jeune guinéen vivant de handicap, qui a accepté de partager avec  nous son vécu de tous les jours. 

Je suis handicapé certes mais dans ma tête je vis bien avec ” nous a confié d’entrée de jeu avec un léger sourire, Aboubacar Touré qui vit avec un bras amputé depuis l’enfance. 

Bien qu’étant enfant au moment des faits, Aboubacar se souvient des circonstances de son accident. “ Je suis devenu handicapé à l’âge de 7 ans, après être tombé de la balustrade de notre terrasse, où je montais souvent pour regarder les trains minéraliers passer ” raconte t-il. Avant de poursuivre son récit avec un air chaleureux “ ce n’est que 3 jours après que j’ai commencé à ressentir la douleur dans mon bras ensuite mes parents m’ont amené voir un monsieur qui faisait de la médecine traditionnelle. Il m’a mit des plâtres durant une semaine c’est à l’issu de ces 7 jours, qu’on s’est rendu compte que mon bras avait pourri de l’intérieur donc il fallait amputer il n’y avait rien à faire ”. 

Il est aussi activiste pour les droits humains. Ici avec une pancarte dénonçant le viol.

Après avoir été amputé, le jeune Aboubacar encore gamin à l’époque passera 6 mois à l’hôpital pour des soins avant de se retrouver parmi les siens. Petit à petit comme nous a-t-il raconté, il a appris à vivre avec un seul bras en refusant catégoriquement toute dépendance.  

Pour ce jeune de 27 ans, le plus dur n’est pas d’avoir un handicap mais bien les stéréotypes qu’ils endurent dans une société presque dépourvue de tout respect des droits fondamentaux à leur égard.  

Nous n’avons pas de travail pour vous ici 

Le monde du travail est l’un des endroits les plus fermés aux personnes handicapées. Selon l’organisation internationale du travail (OIT), 188 millions de personnes étaient au chômage avant l’arrivée du Covid-19 suivi des inégalités du monde du travail. Une réalité que Aboubacar Touré a vécue plus d’une fois “ mon handicap me ferme des portes surtout du côté de l’employabilité ”.

Diplômé en secrétariat d’administration en 2015 et en gestion hôtelière en 2017 à Conakry, Aboubacar veut comme tout jeune de son âge décrocher un emploi pour se prendre en charge. Sauf que cette tâche s’avère plus que difficile pour lui. Partout où il passe pour un entretien, les mêmes phrases lui sont répétées en boucle “ monsieur nous n’avons pas de travail pour vous ici ”. 

Une situation qu’il a dû mal à comprendre et s’indigne “ on nous minimise, nous considère comme des moins que rien, pourtant parmi nous il y a plein de personnes talentueuses. Il suffit de nous mettre à la tâche ”. 

Aboubacar derrière son ordinateur portatif qui lui serre d’outil de travail pour s’exercer dans ses passions la photographie et le montage.

Encore selon l’OIT, seuls 28 % des personnes lourdement handicapées bénéficient de prestations d’invalidité à l’échelle mondiale, et seul 1 % d’entre elles ont accès à ce type de prestations dans les pays à faible revenu comme la Guinée, où le smig est fixé à 440.000 GNF soit l’équivalent de 40 euros .

 Débrouillard, Aboubacar a donc décidé de se tourner vers une ONG guinéenne  » Selfie Déchets  » auprès de laquelle, il fait office de reporter d’images en attendant de trouver un appui matériel et financier pour réaliser une de ses passions “ l’infographie ”. 

Pour moi être handicapé, c’est être en premier lieu courageux et engagé. Mais le plus important aussi, c’est d’avoir la volonté de travailler avec les personnes valides ” a laissé entendre notre interlocuteur. 

Aboubacar Touré en compagnie de la présidente de Selfie Déchets Fatoumata Chérif

Il faut donc comprendre que la volonté et le courage ce n’est pas ce qui manque à ces personnes handicapées qui font chaque jour des pieds et des mains pour se surpasser. Tout ce qu’elles demandent par la voix de Aboubacar Touré,  »  c’est que l’Etat et les institutions nous viennent en aide pour que nos droits soient respectés. Qu’ils fassent en sorte qu’on ne soit pas lésés sur le marché de l’emploi, que les discriminations de tout genre cessent à notre égard. Nous ne demandons qu’à être respecté en tant qu’être humain, l’égalité de chance ce n’est pas seulement pour les personnes valides ”, a-t-il lancé comme message.

Touré la main à la pate lors d’une campagne d’assainissement dans les rues de Conakry.

A travers nos lignes, Aboubacar Touré exhorte aussi les personnes souffrant d’handicap comme lui à “ s’affranchir de la mendicité, ne pas baisser les bras, et à se montrer ouvert au monde”.  

Pour rappel, la journée internationale des personnes handicapées a été instituée en 1992 par les Nations Unies, dans le but de promouvoir les droits et le bien être des personnes handicapées dans les composantes de la société. Cette année, elle est célébrée sous le thème: Reconstruire en mieux- Vers un monde post-Covid-19 inclusif, accessible et durable. 

Aissata Camara

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